Restriction énergétique : le parc nucléaire français face à la corrosion
2022-12-09
Fin août 2022, EDF comptait pas moins de 32 réacteurs nucléaires à l’arrêt, sur les 56 réacteurs en exploitation sur le parc français. Record battu pour cause de problèmes de corrosion sous contrainte*. A l’heure où les conflits avec la Russie affaiblissent déjà l’Europe et ses ressources énergétiques, EDF traverse une crise d’ordres technique et industriel qui complique la situation. En conséquence, le prix du mégawatt a subi une augmentation qui complexifie l’accès à l’électricité pour l’ensemble des foyers français. A l’approche de l’hiver, l’inquiétude est grandissante, d’autant plus que la France doit la majorité de son électricité à ses centrales nucléaires. Retour sur un enjeu majeur de la filière nucléaire française.
Août 2021 - La corrosion sous contrainte
La découverte En août 2021, EDF détectait pour la première fois un problème de corrosion sous contrainte sur deux réacteurs de la centrale nucléaire de Civaux lors d’un contrôle périodique. Cette corrosion touche une partie d’un circuit qui est directement relié au cœur du réacteur et se traduit par des fissures au niveau de la soudure des coudes des tuyauteries d’injection de sécurité (RIS). La fonction principale de ces tuyaux étant le refroidissement des réacteurs en cas d’accident, EDF a donc fait face à un problème de sécurité majeur. Comme l’a précisé Karine Herviou, Directrice Générale Adjointe chargée du Pôle Sureté des Installations et Systèmes Nucléaires, ces inquiétudes sont sérieuses mais à nuancer car il s’agit d’un « défaut de l’ordre du millimètre » **.
(source image : Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire)
Après avoir vérifié l’intégralité des centrales nucléaires présentant les mêmes caractéristiques que celles de Civaux, le constat est le suivant : la corrosion détectée par EDF sur des portions de tuyauterie à Civaux n’était pas un cas isolé. Plusieurs centrales nucléaires ont donc fermé leurs portes pour des raisons de sécurité.
La cause
La corrosion sous contrainte d'un métal résulte de l'action conjuguée d'une contrainte mécanique en tension et d'un milieu environnant agressif vis-à-vis d'un matériau sensible au phénomène. Cette corrosion se traduit par des micro-fissures présentes sur les tuyauteries. Habituellement, les fissures sont souvent le simple signe d’un vieillissement du matériel suite aux tensions subies à répétition. Le problème ? Le réacteur sur lequel a été découvert le phénomène de corrosion sous contrainte est l’un des plus récents du parc nucléaire français. Le vieillissement des centrales nucléaires est donc une piste à écarter quant à la cause de ce phénomène. Au contraire, la corrosion touche essentiellement les centrales nucléaires les plus récentes du parc français. Les 32 réacteurs les plus anciens (900 MW) au niveau national ne sont, quant à eux, pour l’instant pas touchés par ce phénomène.
La piste la plus sérieuse semble accuser la géométrie des réacteurs. D’après les explications de Bernard Doroszczuk, Président de l'Autorité de Sûreté du Nucléaire (ASN), la nouvelle géométrie des lignes « favoriserait un phénomène de stratification thermique du fluide, qui génère des contraintes thermomécaniques supplémentaires » ***. A ce stade, aucune piste n’a été confirmée et l’étude de la cause du phénomène de corrosion sous contrainte sur nos réacteurs nucléaires français est toujours en cours.
Suite à ce constat, l’entreprise française de production et de fourniture d’électricité s’est alors engagée à contrôler l’intégralité de ses réacteurs et a mis en place des opérations de maintenance sur 20 d’entre eux.
Octobre 2022 - Lancement du plan de sobriété énergétique
L’arrêt de 32 réacteurs nucléaires et le manque d’approvisionnement énergétique russe ont particulièrement inquiété les français qui se retrouvent confrontés à un risque de pénurie d’électricité cet hiver. La baisse des températures incite à la sobriété énergétique de tous, tant dans les foyers que dans les entreprises. Le 6 octobre dernier, la Première ministre, Elisabeth Borne, ainsi que la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, ont lancé un plan de sobriété énergétique en France, incitant ainsi la population à une baisse volontaire et généralisée de leur consommation d'électricité. Par un changement progressif des modes de consommation, ce plan a pour objectif de consommer moins et mieux. A titre d’exemple, chacun peut agir en faveur d’une consommation limitée dans son quotidien (chauffage, appareils électroménagers etc.). Les entreprises peuvent, quant à elles, diminuer leur impact numérique ou encore rationner les productions qui nécessitent une grande quantité d’énergie. Une réduction de 28% (par rapport à 2015) de la consommation d’énergie est ainsi attendue si ces directives sont appliquées d’ici 2050.
Novembre 2022 - Le redémarrage progressif des centrales nucléaires
Après une période de maintenance plus longue que prévue, EDF a lancé son programme de redémarrage des centrales nucléaires françaises. L’objectif ? Que les 24 réacteurs encore à l’arrêt début décembre soient tous opérationnels dès le début d’année 2023. En revanche, selon Bernard Doroszczuk, le problème de corrosion ne sera entièrement résolu que dans plusieurs années ***. Il s’agit donc d’un travail de longue haleine qui attend le secteur du nucléaire et notamment Luc Rémont, le nouveau PDG du groupe EDF.
La contribution d’Extia Ingénierie
Extia Ingénierie contribue au jour le jour à la bonne marche de la filière nucléaire française, que ce soit auprès d'acteurs historiques comme Framatome, constructeur des réacteurs français, mais également en se rapprochant de nouveaux acteurs développant des projets de SMR (Small Modular Reactor). Ce fût d'ailleurs le cas fin novembre lors de l'Assemblée Générale 2022 du Pôle Nuclear Valley, où des Extien(ne)s ont pu échanger avec les différents acteurs de la filière nucléaire française. Ils ont pu discuter sur des thématiques techniques ou encore de recrutement et de formation des équipes dans les prochaines décennies.
Les orientations d'Extia Ingénierie sont en phase avec les plans d'investissements massifs décidés par l'État français. Ces fonds sont destinés à fournir une électricité abordable et décarbonée dans le futur aux industriels et aux citoyens français, sans remettre en cause les objectifs climatiques des accords de Paris.
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( * ) La corrosion est dite “sous contrainte” car les réacteurs sont soumis à la température et la pollution des fluides qui transitent par les circuits. ( ** ) Sources : AFP le 13/01/22 ( *** ) Source : L’Usine Nouvelle le 18/05/22